mercredi 11 mars 2009

Trop, c'est comme assez

Il y a quelques posts, je vous avais parlé d'une chronique de Laura Martin que j'avais lu dans La Tribune. Comme je ne l'ai pas trouvé sur le Net, je l'ai donc réécrit plus bas pour votre plus grand plaisir.

Enjoy!

Trop, c’est comme assez
Laura Martin
La Tribune, Sherbrooke

Je ne pourrai pas ajouter le U2 nouveau dans mon ipod. Il a l’air trop bon. La semaine prochaine, je ne pourrai pas m’évader à Tulum, avec mon amie Véro, mes chairs blanches presque violettes et un érable complet transformé en revues à potins qui me murmurent toutes que Jessica Simpson a pris dix kilos de fesses. L’escapade me ferait trop de bien. Elle serait trop relaxante.

Je ne pourrai pas non plus partager des rouleaux de printemps avec George Clooney, même s’il insiste depuis trois semaines pour me sortir au petit restaurant vietnamien sur la rue Alexandre. Il adore les rouleaux et moi aussi, quand ils ne sont pas trop huileux. Mais George est trop parfait.

C’est trop dommage.

J’ai chopé la maladie du trop. Tous les êtres doués de la parole en sont porteurs, mais moi, le foyer de ma maladie s’est logé sur ma langue et s’est développé. Soit je suis « trop » motivée, « trop » heureuse ou « trop » pressée. Comme si mes émotions, et la vie en général, dépassaient maintenant toutes mes capacités.

Carey Price ne peut pas juste être poche. Il est trop poche. Je ne peux pas avoir faim. J’ai trop faim. Je ne peux pas être juste fatiguée. Je suis trop fatiguée. Quoique quand on dort trois heures par nuit…

L’adverbe damné étend sa contagion, surtout chez les moins de trente ans, de plus en plus férocement. Il a trouvé un moyen de propagation viral : la télévision. Il a ciblé l’émission la plus écoutée : Star Académie. Dimanche dernier, tous les académiciens, qui venaient de se faire enterrer en duo avec Céline, disaient que l’expérience était trop hot, qu’ils étaient trop heureux d’être trop contents d’être trop là. S’ils avaient dépassé leurs limites de bonheur, ils n’avaient qu’à demander à se faire traiter de tous les synonymes d'imbéciles, en se faisant verser de l’eau bouillante au visage et mordre par un chien enragé. Non, mais tout s’arrange. Même l’excès de plaisir. Personnellement, j’ai trouvé que Céline était trop. Point. Trop tout.

Le gars en bermudas sur la rue King, hier après-midi, il était trop intense. Samedi soir, cet automobiliste, qui rinçait son moteur et partait sur les chapeaux de roues à toutes les lumières, était trop con. Comme s’il pensait que, parce que ma japonaise avait eu une greffe d’aileron au cul, j’allais faire la course.

Pas besoin d’avoir prêté serment à Hippocrate pour dépister le trop de trop. Le simple tic langagier est devenu une tare sociale aussi grave que l’incompétence dans les sociétés de placement. Cet abus d’un mot de quatre lettres pourrait être anodin. Mais il ne l’est pas. Il traduit le mal d’une société gavée. D’une société qui a fait tune overdose de tout. Et qui vomit ses « trop » pour se vider le vendre.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, on disait « pas assez ».

Pendant la semaine de relâche, on n’avait » jamais assez » d’argent pour aller « pas assez » loin pour des vacances qui ne duraient « pas assez » longtemps. On se contentait donc de participer à l’un des ateliers de bricolage de fleurs en jujubes offerts au Centre d’interprétation de la nature le plus près.

Maintenant, à l’ère du trop, les familles descendent sous les Tropiques. Pour aller se faire servir par des dames sous-payées qui sculptent des cygnes avec les serviettes de bain. Ces gens en reviennent en disant qu’ils ont trop mangé, un peu trop bu, que les vagues étaient trop grosses et que dix jours, finalement, c’était trop long.

La semaine prochaine, je serai au Mexique. Quand je m’échouerai sur le sable, avec le U2 nouveau dans les oreilles et des photos de George plein les magazines, il fera beau. J’aurai probablement chaud. Je mangerai assurément beaucoup.

Et, étonnamment, tout sera juste assez.

Même les cygnes en ratine.

4 commentaires:

Mélanie J. a dit...

Les cours de documentation sont trop loin?
Tout est dispo sur Eureka.cc! ;)

SAndrine a dit...

En effet. J'y avais trop pas pensé.

Mélanie J. a dit...

Well. J'ai JB dans le coeur et une mite de baseball tatouée sur l'entièreté de mon sein gauche. That's why.

SAndrine a dit...

J'ai eu Lollie. C'est peut-être pour ça que j'ai pensé à Google avant... haha!

Mais t'as raison, je l'ai bien trouvé sur Eureka.